Thimister : Le  pharmacien et chimiste Joseph Jacques

Seuls les plus anciens de Thimister se souviendront encore du pharmacien Jacques. Tentons ici de retracer le parcours d’un homme intelligent, mais particulièrement modeste et bon.
C’est à Polleur que naît le 9 mars 1883 Joseph Jacques, ses parents  sont tous deux instituteurs. Son père, originaire de Ferrières, décède le 1er février 1884 à Verviers dans sa 25eme année alors que le petit Joseph n’a pas encore un an. Sa mère,  quant à elle appartient à une famille connue de Stembert : les Damseaux et est la sœur de Lambert Damseaux qui fut de 1896 à 1946, bourgmestre de la dite commune.

 

Après avoir terminé en 1901 ses humanités au Collège Saint François à Verviers, Joseph Jacques poursuit son cursus scolaire à l’Université de Liège, il en sort brillamment en 1906, en ayant conquis les grades de pharmacien et de bactériologiste. La gérance d’une pharmacie à Cornesse-Pepinster lui est aussitôt confiée.
Véritable passionné de chimie et de sciences naturelles Joseph Jacques va partager son temps entre diverses recherches et analyses effectuées dans son laboratoire où il manie avec brio les microscopes d’une part et de nombreuses sorties à la campagne où il s’adonne à la botanique, à l’entomologie et à la géologie d’autre part.

C’est à Ferrières, le village de l’auteur de ses jours, qu’il y découvre l’amour en la personne de la jeune  Marie-Thérèse Xhenseval , le mariage y sera célébré le 19 mars 1913.
En 1911 Joseph Jacques reprend l’officine du pharmacien Georges Nihon à Thimister, la pharmacie est située en plein cœur du village. Quatre enfants, tous nés à Thimister  viendront tour à tour agrandir le foyer: Marie-Thérèse naît le 15 juin 1913, Joseph voit le jour le 4 octobre 1916, Marie-Louise est accueillie le 1er novembre 1919 et Henri termine la fratrie le 30 décembre 1925.

Parallèlement à la tenue de l’officine et à la préparation de divers médicaments, potions ou reconstituants, Joseph Jacques va réaliser des milliers d’examens et d’expertises de toutes sortes. On le requiert pour qu’il analyse des échantillons d’eau afin qu’il en détermine la potabilité ou non. A l’époque la plupart des habitants ne disposent que de l’eau émanant d’un puits. La cidrerie Ruwet et la brasserie Naway notamment font également appel à lui pour différentes appréciations et évaluations de leurs produits. Ces firmes n’hésitent à reproduire des extraits de résultats d’analyse dans leurs publicités.  Mais c’est dans le domaine agricole que le chimiste va davantage œuvrer, sachant que Thimister se situe en plein centre du pays de Herve, de nombreux fermiers et des associations agricoles régionales vont le solliciter pour l’analyse de lait, de beurre, de fromage mais aussi pour l’expertise de fourrage, de grains ou d’engrais.

En dehors de ses  passions à caractère professionnel, Joseph Jacques s’enthousiasme pour la photographie et plus particulièrement pour le cinéma. Il accompagnait l’abbé Guillaume Ferbeck ( doyen à Montzen)  dans les tournées de conférences organisées par la Jeune Garde Catholique dans les différents villages du pays de Herve, sur le thème de la Terre Sainte de Palestine. L’abbé Ferbeck y présentait ses multiples voyages pendant que Joseph Jacques en assurait les projections lumineuses des photos ramenées de là-bas.
En juin 1912, les deux amis figurent parmi les fondateurs de la Société Coopérative « Grand Cinéma des Familles ». Le 30 août de la même année la dite société ouvre au N° 10 de la rue Saint Antoine à Verviers une nouvelle salle de cinéma appelée «Cinéma des Familles » ou encore « Cinéma Saint Antoine ».

Pendant la guerre 14/18, Joseph Jacques fut le correspondant pour Thimister, de l’agence belge de renseignements pour les prisonniers de guerre internés dont la succursale verviétoise, établie au N° 13 de la rue Jardon, sous la direction d’ Albert Moxhet-Graulich, était reconnue officiellement par les autorités allemandes pour l’envoi de colis et de la correspondance en Allemagne.
Les Jacques ont toujours fait preuve d’une grande humanité, c’est ainsi qu’en 1936 ils accueillent sous leur toit un jeune enfant de 10 ans Emmanuel Fernandez: réfugié espagnol  qui fuit la guerre civile sous Franco. En 1939, la veille du retour de l’enfant dans son pays, l’instituteur en chef de Thimister Monsieur Hyacinthe Ernst organise à l’école une après midi festive au cours de laquelle d’émouvants adieux sont réservés au jeune espagnol.

En décembre 1942 la famille Jacques quitte Thimister pour élire domicile au N° 217 de la Chaussée de Heusy à Verviers. Le pharmacien reprend l’officine verviétoise vacante située en face de l’église Saint Remacle  au coin de la rue des Raines et du Pont de Sommeleville. Expert auprès du Parquet de Verviers, il est fréquemment appelé à témoigner au prétoire dans des affaires d’intoxication ou d’empoisonnement. Dans son laboratoire il poursuit quotidiennement et inlassablement ses travaux pour le monde agricole, pour la magistrature ou pour le corps médical. Il apporte également son prodigieux concours aux Naturalistes Verviétois.
Bien qu’ayant quitté le plateau de Herve, Joseph Jacques y revient régulièrement  afin de donner des cours de laiterie pour la section post-scolaire de l’école d’agriculture de Herve. Les cours promulgués ont principalement pour but l’amélioration de la fabrication du fromage de Herve.
Ayant assumé un rôle, ô combien efficace, durant les deux guerres au service des renseignements et à l’hébergement des évadés ainsi que dans la Résistance, il reçoit le diplôme du Général de Gaule qui reconnait  en lui un combattant sans uniforme.
Suite à l’intervention de ses confrères pharmaciens, il est promu Chevalier de la Couronne au début des années 50. Mais Joseph Jacques n’aimait pas les honneurs, homme plutôt simple et discret, on le rencontrait cheveux et barbe en bataille, vêtu de son loden et coiffé de son vieux feutre n’ayant jamais le moindre souci de l’élégance vestimentaire.

Après une vie bien remplie, il décède le 9 avril 1964. Quelques jours avant sa mort il travaillait encore dans ce qui aura été son terrier, son refuge, sa tanière : son laboratoire.

Georges Legros